Le télétravail, point de vue

Pratique encore relativement marginale dans l'entreprise française, le télétravail s'imposera sans doute dans les années à venir comme une réelle alternative aux méthodes traditionnelles. Bilan sur ses avantages et ses inconvénients, de mon point de vue.

Bonjour à tous,

Interpelé récemment sur twitter à propos du télétravail suite à cet article, je prends quelques instants pour donner mon opinion (qui n'engage donc que moi ;) ) en plus de 140 caractères.

Recentrons le sujet

En premier lieu, il m'apparaît nécessaire de recentrer le débat autour de son sujet, à savoir le télétravail. En effet, je ne pense pas que se positionner en tant que "patron" ou "salarié" soit pertinent (tout du moins à l'échelle d'une PME), car l'un comme l'autre peuvent en bénéficier. Ce n'est pas parce qu'on est "patron" qu'on y est hostile, tout comme ce n'est pas parce que l'on est salarié que l'on y est favorable (et vice versa).

Certes, je suis un entrepreneur (je n'aime pas le mot "patron" qui véhicule tous les clichés du travail à la française et de son modèle fortement hiérarchisé ; cela donnerait d'ailleurs un bon sujet d'article) mais je me considère avant tout comme un technicien, entendre par là un développeur, un sysadmin, en termes plus généraux, un collaborateur (heureux de l'être). Et c'est de ce point de vue là que j'aimerais plutôt aborder la discussion.

Mon sentiment

teletravail

A titre personnel, je n'ai jamais été un grand fan du télétravail, tout simplement parce que c'est un modèle qui ne m'a jamais convenu pour différentes raisons. En particulier, si je travaille chez moi, je suis quasiment certain :

  • de glandouiller 1h après la sonnerie du réveil, de petit déjeuner à 10h et d'aller à la douche à midi après avoir lancé un déploiement ou toute autre tâche un tant soit peu chronophage,
  • d'oublier la moitié des affaires dont j'ai besoin au bureau (y compris l'ordinateur, l'oubli du chargeur restant le grand classique),
  • de manger devant l'écran (histoire d'en faire profiter l'écran et le clavier),
  • de continuer à bosser passé 22h,
  • de développer ma fibre d'ours asocial (qui n'en demandait pas tant).

En tant que travailleur, je préfère utiliser le télétravail pour dépanner en cas de situation imprévue : le môme qui est malade et qui ne peut pas aller à la crèche, l'intervention nécessaire du plombier parce que la machine à laver a inondé l'appartement, bref pour tout un tas de raisons plus ou moins saugrenues. Mais cela reste un mode exceptionnel, que je n'envisage absolument pas au quotidien.

J'ai en effet une grosse préférence pour le travail "sur site" avec mon équipe, mes collaborateurs, mes associés, parce qu'au final j'aime voir les gens, j'aime échanger avec eux, prendre un café et de temps en temps déjeuner ensemble sur une terrasse. En résumé, conserver le lien social. Également parce que je trouve qu'il est plus facile de communiquer "en direct" et que ça laisse moins de place à l'interprétation, voire pire, à l'incompréhension.

Attention ces remarques ne s'appliquent qu'à moi seul ; je suis un bordélique chronique à forte tendance workaholic et je m'astreins donc le plus possible à essayer de séparer le professionnel de la sphère privée.

Bref, le home-office très peu pour moi. Toutefois:

  • J'y trouve de nombreux avantages.
  • Je ne vais pas forcément imposer à d'autres un ressenti basé sur une approche/expérience personnelle.

Les inconvénients

A ces réflexions personnelles, nous pouvons ajouter d'autres remarques de portée plus générale :

  • Ne pas pouvoir rapidement confronter ses idées avec ses collègues (oui je connais Skype, mais j'ai beaucoup plus de mal à faire un call plutôt que d'interpeler quelqu'un que j'ai sous la main. Je sais aussi combien c'est frustant d'appeler dans le vide parce que le collègue est parti en pause clope ou baby-foot).
  • Je ne suis pas à l'abri d'une connexion de mauvaise qualité ou d'une panne (même si, la fibre est de plus en plus répandue en milieu urbain).
  • On vit malgré tout dans une société assez "old school" ; expliquer à ses clients que les collaborateurs sont éparpillés aux quatres coins de la France, voire à l'étranger, n'est pas toujours chose aisée. D'autant que certains ne comprennent toujours pas que l'on puisse faire confiance à ses équipes au point de ne pas assurer un controle strict de leur activité car oui, le cliché du salarié qui "n'en fout pas une" si on ne le surveille pas a la vie dure. Tout comme celui du patron exploiteur qui saigne ses malheureux salariés afin de dégager un maximum de profits. Après 10 ans d'existence d'ELAO, il y a longtemps que je devrais faire du télétravail depuis ma villa aux Bahamas ;)
  • La problématique de la confidentialité des données et de la sécurité des réseaux.
  • La problématique des lignes téléphoniques et plus généralement des moyens de communication.
teletravail love hate

Les avantages

Il est tout aussi facile d'y trouver un grand nombre d'avantages. Parmi ceux qui me viennent à l'esprit:

  • La possibilité de profiter d'un silence absolu (ou presque ...) pour se concentrer sur des tâches ardues ou un problème prenant, sans être importuné par un téléphone qui sonne, sans se laisser divertir par des discussions de haute volée sur l'utilité des ORM ou les apports du DDD, etc. (et je ne parle même pas des 'chansons' de Francky Vincent que l'on subit à longueur de temps ;) )
  • Ne pas avoir à perdre du temps à rejoindre le bureau, même si, ici à Lyon, la plupart d'entre nous viennent à pied, à vélo, en skate ou même en train en moins de 30 minutes (ça c'est pour toi ami Parisien ;) )
  • Organiser sa journée en fonction de son propre rythme circadien (certains sont plus efficaces le matin, d'autres sont plus éveillés en soirée).
  • Ne pas avoir à courir pour emmener les enfants à l'école ou à la crèche, chez le dentiste ; bref pouvoir gérer ses impératifs en toute sérénité.
  • Ne plus avoir à limiter son recrutement "localement", avantage qui n'est pas négligeable quand on sait les difficultés que l'on peut parfois rencontrer pour trouver LE bon profil.
  • D'un point de vue plus terre-à-terre, restreindre les coûts de fonctionnement, notamment la location des bureaux.

La situation actuelle

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Certains parleront de productivité, de contrôle et de confiance. J'évoque souvent la frilosité du système français, mais pour le coup, sur ce sujet, les entreprises anglo-saxonnes, pourtant peu réputées pour leur immobilisme en termes de management, semblent adopter une position assez similaire. En effet certaines études menées au Canada, en Allemagne et aux États-Unis mettent en avant une certaine impopularité de la méthode. Selon ces études, on constate que les entreprises restent très méfiantes par rapport au télétravail, craignant une baisse de moral du salarié ainsi qu'une perte de productivité. Dans les faits, la grande majorité d'entre elles constatent une hausse de la productivité et une amélioration du moral de ses équipes. En Allemagne, IBM estime pourtant à 20% l'augmentation de la productivité de ses équipes ayant recours au télétravail.

Enfin, pour les employeurs français, sachez que si vous souhaitez vous mettre en conformité avec le code du travail, le chemin est encore long ; notre législation étant completement dépassée par ces problématiques, elle impose aujourd'hui des contraintes compliquées à satisfaire.

Sans surprise, le principal frein à sa mise en place est culturel et managérial. Pour vous en convaincre, un bon résumé de l'état du télétravail en France, en 2015, est consultable ici

Oui, mais alors chez ELAO ?

Il serait malhonnête de dire que le télétravail est une pratique très répandue au sein d'ELAO. Néanmoins, cela arrive régulièrement et cela se passe plutôt très bien pour peu que certaines règles de bons sens soient respectées, à savoir prévenir les collègues que l'on ne sera pas là et rester facilement joignable.

Pour le reste, sa mise en place et son usage au quotidien dépendent, à mon sens, de trois facteurs : le collaborateur, l'équipe et l'entreprise, auxquels il faut ajouter les éléments suivants :

  • en premier lieu, la volonté du salarié à travailler "à la maison" (et donc ne pas l'imposer et laisser le libre choix au collaborateur),
  • sa faculté à évoluer "seul" et à s'auto-organiser,
  • son projet de vie,
  • ses contraintes personnelles,
  • la confiance qu'on lui accorde (et qu'il/elle a su gagner),
  • la façon dont travaille le reste de l'équipe.

Bref, on retrouve ici tous les ingrédients qui contribuent habituellement au bon fonctionnement d'une société, au bien-être d'une équipe et à la réussite d'un projet.

Pour terminer

Je reste persuadé que le télétravail se développera de plus en plus, particulièrement dans nos métiers qui ne nécessitent pas de lourds investissements pour le permettre.

J'y crois également parce que l'humain reprend peu à peu sa place au centre de la société, parce que les gens commencent à penser à des modes de vie différents qui font la part belle à l'épanouissement personnel.

Nous serons confrontés tôt ou tard à des problématiques de transports (on l'est déja dans les grandes métropoles) et perdre 2 heures de sa journée dans les transports n'est bon, ni pour la société, ni pour le collaborateur.

Sources et lectures intéressantes :